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L’échange d’informations et les fiches CRS font des dégâts ! (et la Turquie entre dans la danse…)

Notre pays a conclu des conventions visant l’échange automatique d’information fiscales avec environ 115 pays du monde.

En vertu de ces conventions, chacun de ces pays rassemble les informations sur les avoirs mobiliers et immobiliers des Belges dans ces pays, collecte cette information et envoie un gigantesque fichier informatisé à l’administration centrale du ministère belge des Finances, au sein de laquelle cette information est triée et rajoutée au dossier My Minfin de chaque contribuable visé.

Il s’agit de la fiche CRS (common reporting standard).

Quelles sont les informations échangées ? Les revenus professionnels, les pensions, mais aussi les intérêts, les dividendes, le solde des comptes bancaires, quelle que soit leur nature, les plus-values financières ainsi que les contrats d’assurance-vie type branche 21 et 23 souscrits auprès de compagnies d’assurances étrangères par des contribuables ayant la qualité de résidents fiscaux belges. A cette information s’ajoute celles relatives aux immeubles détenus à l’étranger par le contribuable considéré.

Il va de soi qu’en possession de cette information sans même avoir dû la rechercher, l’administration fiscale ne reste pas inactive et l’utilise pour interroger les contribuables sur les avoirs et les revenus dont elle a connaissance, et sur l’origine des capitaux ou le mode d’acquisition des immeubles.

Elle fait usage pour ce faire de demandes de renseignements qui sont légales en vertu de l’article 316 du C.I.R. Recevant ce type de documents, le contribuable concerné a l’obligation de répondre de manière détaillée dans le mois. Ne pas répondre permet à l’administration fiscale de faire usage de la procédure de taxation d’office, et, en la matière, le silence n’est pas une solution à recommander.

Si le contribuable a tout déclaré et peut expliquer l’origine des capitaux, ou si ces derniers ont une ancienneté telle que l’administration fiscale n’est plus en mesure – étant prescrite- pour considérer qu’ils ont pour origine des revenus  non déclarés, pas de problème.

Mais si des comptes ont été alimentés ou des revenus n’ont pas été déclarés dans les 7 années précédant l’exercice d’imposition faisant l’objet du contrôle, les redressements pleuvent, souvent assortis d’importants accroissements d’impôts (usuellement 50 %, ce qui est très contestable).

A ce problème purement fiscal s’ajoute un problème bancaire, à savoir que les avoirs et capitaux détenus à l’étranger, ainsi que le produit de la vente d’immeubles  détenus à l’étranger ne pourront être rapatriés auprès d’une banque belge, ces dernières refusant en bloc tout rapatriement de fonds dont le détenteur est incapable de démontrer qu’ils ont toujours été parfaitement en complètement déclarés et éventuellement soumis aux droits de succession en cas de décès d’un propriétaire antérieur. Ce qui est, hélas, peu souvent le cas.

Pour pallier ces difficultés, la seule solution est d’introduire, de manière spontanée, une déclaration de régularisation auprès du point contact régularisation. Dans cette hypothèse, les revenus subiront la taxation ordinaire applicable en fonction de leur nature, majorée d’une pénalité de 25 points de base. Quant aux capitaux dont l’origine ne peut être prouvée, ils subiront une ponction de 40 %, même s’ils ne peuvent plus être taxés vu leur ancienneté. La régularisation est à ce prix, et il est important.

Notons que la loi permettant une telle régularisation fiscale sera abrogée au 31 décembre 2023, ce qui a pour effet qu’à compter de cette date, il ne sera plus possible de régulariser, les spécialistes se perdant en conjectures sur les solutions pratiques à mettre en œuvre à compter de cette date pour permettre aux contribuables désireux de mettre en ordre une situation problématique.

Enfin, certains pays qui avaient, de longue date, signé des accords d’échange automatiques d’informations fiscales ne les appliquaient pas ou de manière très sporadique. Il s’agit notamment de la Turquie. Or, il semble que ce pays ait changé son fusil d’épaule, l’administration fiscale belge étant depuis peu en possession d’une information complète sur les avoirs mobiliers et immobiliers détenus en Turquie par les résidents fiscaux belges. A l’heure actuelle, les demandes de renseignements et avis de rectifications se multiplient dans ce cadre, créant un émoi bien justifié parmi les membres de cette estimable communauté.

Comme on le voit, de plus en plus, en matière fiscale également, le Monde est un village…

 

Thierry Litannie

Avocat (LAWTAX Avocats)

Administrateur de l’OECCBB