Notification d’indices de fraude : enfin applicable à l’égard des tiers !
Le pouvoir de contrôler la situation fiscale des contribuables est certes un droit de l’administration mais c’est également un devoir. Celui-ci trouve sa source dans la Constitution qui impose à chacun une obligation de contribuer aux charges publiques. C’est dans cette optique que l’administration est amenée à vérifier que chaque contribuable paie la taxe qui est due. A cet effet, l’administration fiscale dispose de pouvoirs particuliers qui sont visés au chapitre 3 du Code des impôts sur les revenus (ci-après CIR), intitulé « investigations et contrôle ». Ces pouvoirs sont néanmoins strictement encadrés par les dispositions du Code qui définissent notamment le délai et la manière de les exercer. Ces dispositions sont importantes car elles constituent un garde-fou aux pouvoirs exorbitants qui ont été confiés à l’administration et à l’administration fiscale en particulier. Il est donc primordial que les cours et tribunaux fassent respecter le principe de légalité afin de protéger le citoyen contre l’arbitraire d’une administration aux prérogatives de plus en plus étendues. A cet égard, il est certains textes de loi qui, au fil des années, ont été modifiés, corrigés ou amputés au point qu’aujourd’hui, il est permis de s’interroger sur leur portée. Ce problème étant encore renforcé par les codifications successives qui n’ont eu de cesse de réorganiser le Code des impôts sur les revenus. Les problèmes pouvant résulter de ces remaniements successifs se sont cristallisés dans l’interprétation du troisième alinéa de l’article 333 du CIR qui établit le délai dans lequel l’administration est en droit d’investiguer. Cet alinéa dispose : « [Les investigations visées au présent chapitre] peuvent en outre être exercées pendant le délai supplémentaire de quatre ans prévu à l’article 354, alinéa 2, à condition que l’administration ait notifié préalablement au contribuable, par écrit et de manière précise, les indices de fraude fiscale qui existent, en ce qui le concerne, pour la période considérée. Cette notification préalable est prescrite à peine de nullité de l’imposition ». Le texte de l’article ne semble souffrir aucune interprétation. Néanmoins, contre toute attente et depuis de nombreuses années, la Cour de Cassation entend tirer argument des travaux préparatoires de la loi du 3 novembre 1976 qui a instauré cette disposition, pour permettre à l’administration de poser des actes d’investigations sans le notifier au contribuable tant que ceux-ci sont réalisés auprès de tiers. Cette conception jurisprudentielle permettait ainsi à l’administration de consulter les dossiers répressifs, d’interroger les administrations fiscales étrangères, voir d’effectuer des contrôles chez les clients ou les fournisseurs d’un contribuable, en vue de collecter des informations relatives aux 7 dernières années, sans devoir informer préalablement le contribuable visé des indices de fraudes qu’elle détient et donc, sans lui donner l’opportunité de se défendre avant la réalisation desdits actes d’investigations. Ces derniers pouvant porter gravement atteinte à sa réputation. Heureusement, la cour de cassation vient de rompre avec sa jurisprudence antérieure en décidant par son arrêt du 20 mai 2016, de donner à la disposition litigieuse le sens clair et cohérent qu’elle a toujours eu aux yeux des commentateurs : « Les dispositions formant le chapitre III visent les investigations effectuées chez le contribuable mais également celles qui ont lieu chez un tiers ou encore dans un service, établissement ou organisme public ». La fiscalité belge, et les nombreux contribuables confrontés à ce problème, peuvent se réjouir de cette restauration du texte légal de l’article 333, alinéa 3 du CIR après de nombreuses années d’errance.